Peu à peu, nous sommes devenus un troupeau sans « pasteur », en particulier depuis le départ de Guy Luzsénszky lequel, bien que se faisant présence discrète parmi nous, nous marquait par la teneur de ses écrits et son souci constant de revivifier les messages de l’Evangile : « être totalement disponible au service des hommes cherchant Dieu, n’avoir aucune autre préoccupation que celle-là, devenir semblable à Jésus, vivre un dépouillement total pour que les hommes, à sa suite, deviennent libres, responsables, debout », bien au-delà de la bataille à l’égard de l’institution Eglise. Il faut reconnaître que ce combat-là perd de son sens pour une grande majorité d’entre nous, sauf à maintenir que d’autres voix sont possibles.
Alors que sommes-nous devenus ?
Il y a toujours eu depuis le commencement de l’association créée au sein de l’abbaye pour permettre aux « laïcs » de prendre toute leur place une tension entre ceux qui cherchaient de nouvelles voies pour le christianisme et ceux qui étaient en quête de ressourcement à travers une spiritualité qui nourrirait leurs engagements quotidiens. Il y a toujours eu en chacun de nous une confrontation de la double dimension de l’incroyance et de la foi posée comme question vitale.
S’investir dans l’accueil d’un lieu et dans l’animation des rencontres a permis de mettre en pratique à petite échelle et de façon modeste mais dans une étonnante continuité nos aspirations.
Nos rencontres sont autant de jalons sur des axes de recherche où nous cheminons, parmi lesquels : 1) des questions qui préoccupent la société d’aujourd’hui (génétique, bioéthique, droit d’asile, consommation citoyenne…) ; 2) des thèmes de réflexions liés à la spiritualité (les mythes fondateurs, leurs représentations et la création artistique, « avons-nous besoin d’une religion ? », le vieillissement revisité à travers les tableaux de Rembrandt entre autres, don et contre-don…) ; 3) un souci de créativité et d’invention collective (calligraphie, poésie, atelier d’écriture…) qui, sans nommer la source, nous y renvoient. Il ne s’agit pas pour nous de sérier les thèmes suivant une problématique, mais de lier la dynamique engendrée par la spiritualité aux grandes questions de notre société — dans le sens où la spiritualité prend en compte toutes les dimensions de l’homme dans son rapport à lui-même et dans sa relation aux autres.
Le maillage de ce qui a jailli au cours de nos rencontres dans le retour en échos des apports des uns et des autres introduit et renforce pour chacun la dimension de l’engagement « hors les murs », c’est-à-dire hors de l’Abbaye (en référence à notre histoire) et bien au-delà aussi des temps partagés dans notre association et « notre » maison de Poulancre. Cette démarche entre l’extérieur et l’intérieur, le dedans et le dehors, la réflexion et l’action permet d’approfondir progressivement les valeurs qui sous-tendent nos engagements.
Notre adhésion aux réseaux des Parvis, qui se rassemblent en reconnaissant dans leur charte l’exigence du message évangélique maintient une interrogation à ce propos : est-il encore pour nous un message porteur pour notre temps ? A nous de le découvrir.
Y aurait-il alors aujourd’hui une frilosité dans notre association à nommer d’où nous venons, ou est-ce seulement une démarche prudente, respectueuse pour ne pas gêner ceux qui n’adhèrent pas à ce message ? Ou le contenu de la foi lui-même est-il passé au crible des questions soulevées par la modernité ?
Odile
Tous droits réservés © 2014 Conception Jean-Rémy Dushimiyimana
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