Wisdom of Life

Jacques Musset : Catholicisme et modernité

Extrait de « Le catholicisme en crise a-t-il un avenir ? », journée organisée par Poursuivre, le 9 novembre 2017.

I° Qu’est-ce que le catholicisme ?

Précisons d’abord ce que j’entends par catholicisme.

Une religion  qui se réclame de Jésus de Nazareth.

C’est l’une des religions du monde et plus particulièrement l’une des branches du christianisme qui se réclament de Jésus de Nazareth juif du début du 1er siècle de notre ère. Celui-ci s’est consacré à  rénover le judaïsme de son temps perverti par le moralisme et le ritualisme. Il l’a fait dans la ligne des prophètes juifs qui n’ont cessé de rappeler  que  les critères d’un véritable culte rendu à Dieu   étaient un rapport juste avec son prochain et une recherche personnelle de liberté intérieure – c’est là le coeur de la religion juive.  Il s’est exercé à en témoigner en paroles et en actes, avec cohérence et courage, dans une démarche de libération et de promotion de  ceux de ses compatriotes marginalisés, rejetés, dévalorisés pour toutes sortes de raisons  sociales et religieuses.  Se compromettant ainsi, il a suscité un conflit mortel avec les tenants du Temple et de la Loi, les  deux instances suprêmes du judaïsme. Il ne contestait ni le Temple ni la loi en tant que tels mais les interprétations très ritualiste et légalistes qui en étaient donnée ainsi que les conceptions de Dieu qui en découlaient. Il a été exterminé par la volonté des autorités juives du temps même si c’est le préfet romain Ponce-Pilate qui a prononcé la condamnation à mort, l’occupant romain ayant démis ces autorités de cette prérogative. Aux yeux de ceux qui l’ont liquidé, Jésus était un  fossoyeur de la religion, un dangereux déviant, un hérétique fieffé. Condamné au supplice de la croix,  il est mort selon la croyance juive comme un réprouvé de Dieu ca, dit un verset du livre du Deutéronome, « qui pend au bois est maudit de Dieu »  21, 20

Le christianisme est né de la fidélité des disciples de Jésus à la mémoire vivante de leur maître avec lequel ils avaient partagé l’intimité des mois durant voire des années. Après un temps de désorientation qui a suivi sa mort, ils se sont ressaisis et ont affirmé  que loin d’être le fossoyeur de la religion juive Jésus  en était le témoin exemplaire : il l’avait même approfondie, affinée et universalisée  d’une manière inédite. C’est le sens  de leur affirmation : Jésus  est ressuscité ; celui que l’on a mis à mort pour le faire taire est en réalité le Vivant et son chemin est  pour tous ceux qui l’empruntent chemin de la vraie Vie, ici et maintenant. C’est le message que proclament les textes  du Nouveau Testament, à commencer par les évangiles qui ne sont pas des reportages en direct mais des expressions de foi en forme de récits de la part des premières communautés chrétiennes. L’appellation chrétien vient  du titre « Christ » ( synonyme de messie) donné à Jésus par les premiers disciples qui signifie pour eux « celui qui inaugure le royaume, le monde nouveau de Dieu ».

 Comment s’est  développée cette religion ?

A partir de la seconde moitié du 1er siècle de notre ère le christianisme se répand  et s’enracine sur tout le pourtour méditerranéen  dans un monde de culture grecque. Il va se développer, se penser et s’exprimer avec les représentations et dans les catégories de  cette culture grecque tout à fait différents de celles de la culture juive. Et c’est ainsi que l’on a créé dans les cinq premiers siècles dominés par cette culture grecque une doctrine et même des doctrines  sur Jésus et l’Eglise qui ont été reprises sans interruption   jusqu’à nos jours dans le christianisme et notamment dans la branche du catholicisme. La doctrine officielle du catholicisme se fonde ainsi sur les dogmes des premiers conciles des 4ème et 5ème siècles dont le contenu élaboré dans une culture particulière a été sacralisé, absolutisé comme parole divine. On en trouve le contenu avec tous les apports qui s’en sont suivis dans « Le catéchisme  de l’Eglise catholique » promulgué par Jean-Paul II en 1992, dont le rédacteur en chef fut le cardinal Ratzinger, futur Benoît XVI.

Cette sacralisation et cette absolutisation d’une doctrine élaborée dans un contexte culturel   singulier et donc relatif  est à l’origine de la grave crise du catholicisme que nous connaissons depuis trois siècles mais qui s’est accélérée depuis une centaine d’années et est devenue criante de nos jours.

(….)

Que conclure ? L’avenir du catholicisme comme religion est liée à sa capacité à  relativiser ses dogmes, sa morale et son organisation élaborées au cours des siècles et à revenir à sa source pour l’actualiser. Ce changement copernicien est marqué du sceau de l’improbabilité.

Cependant on peut penser que des personnes et des groupes  feront cette démarche et que ce mouvement se poursuivra.

Par ailleurs l’héritage éthique  du christianisme survivra dans les valeurs du monde sécularisé. N’est-ce pas une forme de réussite du christianisme ?

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