Pierre Bourges nous a tracé un grand panorama des migrations à travers les âges de l’humanité. De proche en proche les groupes humains vont gagner l’ensemble des terres habitables, et de citer Teilhard de Chardin : « La terre fait peau neuve. Mieux encore, elle trouve son âme ». La transmission des idées suit les grandes migrations des peuples et des métissages qui les prolongent. Les usages, les habitudes, les coutumes, les traditions s’échafaudent que les cultures vont englober et les écritures fixer. Une mémoire collective se développe. Et tout s’enchaîne dans l’histoire humaine et dans la pensée individuelle et collective. Au fil de l’histoire humaine les besoins, les désirs et les peurs se diversifient. Aux besoins primaires qui restent bien présents et pas toujours également satisfaits, viennent s’ajouter des besoins venus de l’évolution des genres de vie, les désirs se multiplient en fonction de l’accroissement des inégalités, et des leurres ; les peurs s’aggravent au fur et à mesure qu’augmentent les menaces de l’inconnu. D’autant plus que le numérique engage l’esprit humain dans des territoires virtuels dont nous ignorons tout.
Changement d’âge ? C’est évident, mais comment l’analyser, l’identifier, l’appeler ? Si on quitte l’âge néolithique, « l’homme qui marche » est-il prêt à faire le saut ?
En a-t-on fini avec l’agriculture ? Mais aussi avec ses croyances, ses mythes, ses religions, ses critères d’identité, ses nationalismes étroits et ses peurs viscérales ? L’imaginaire humain est-il prêt à faire aussi le saut ?
Comment nourrir 9 milliards d’humains à la fin du siècle sur moins de terres émergées, si le réchauffement climatique se confirme ? Comment régler les conflits et les migrations qui en résulteront et dont on voit les prémices, sans guerres démesurées, sans détruire la planète ?
Pour nous aider à nous projeter dans une autre vision des choses, Pierre emprunte à Edgar Morin l’image de la métamorphose de la chenille :
« L’idée de métamorphose, plus riche que l’idée de révolution, en garde la radicalité transformatrice mais la lie à la conservation de la vie, de l’héritage des cultures. Tout commence toujours par une innovation, un nouveau message déviant, marginal, modeste, souvent invisible aux contemporains. Ainsi ont commencé les grandes religions. Le capitalisme se développa en parasite des sociétés féodales. La science moderne s’est formée à partir de quelques esprits déviants dispersés. Le socialisme est né dans quelques esprits autodidactes au XIX° siècle pour devenir une formidable force historique au XX° siècle.
Aujourd’hui tout est à repenser… Tout est à recommencer… Il existe déjà sur tous les continents un bouillonnement créatif, une multitude d’initiatives locales… » qui en se conjuguant peuvent former une voie nouvelle, une inconcevable métamorphose.
A cette fin, Edgar Morin définit cinq principes d’espérance valables pour tous : le surgissement de l’improbable toujours possible, les vertus génératrices/créatrices inhérentes à l’humanité, les vertus de la crise, auxquelles se combinent celles du péril, l’aspiration multimillénaire de l’humanité à l’harmonie.
Notre quête pour rompre l’isolement des sans-papiers et les aider à obtenir la reconnaissance et la dignité peut s’engager dans cette voie avec d’autres à la condition de rester fidèles à l’humus de l’humanité et d’accepter en toute humilité que la métamorphose nous change, nous métisse.
De bien des façons, nos organisations sociales ne sont pas adaptées à la société globale, il nous faut imaginer de nouveaux êtres sociaux pour tisser ensemble (c’est le sens du terme complexité) cette société dans laquelle nous sommes engagés (à notre corps défendant souvent), sachant que nulle action n’est assurée d’œuvrer dans le sens de l’intention, en raison même de la complexité. Pour soutenir l’action, il nous faut instituer une nouvelle éthique à trois niveaux : celui d’une éthique personnelle dans le champ de l’interpersonnel, oscillant entre le bien et le mal, celui d’une éthique sociétale, dans le champ du public, oscillant entre le juste et l’injuste, celui d’une éthique de l’espèce humaine dans le champ des réseaux globaux, oscillant entre le soutenable et l’insoutenable.
Cela qui induit trois niveaux de responsabilité : morale personnelle, droit au regard des lois, responsabilités sociales collectives, mais aussi de nouveaux devoirs :
Pierre nous a brossé ce panorama sur un ton vigoureux mais avec toute sa verve poétique. Nous terminerons cette synthèse par la dernière strophe de son poème :
L’espérance vraie
Ne se sait pas certitude,
Du meilleur des mondes,
D’un monde meilleur, peut-être,
Mais d’abord en nous, les hommes !
Tous droits réservés © 2014 Conception Jean-Rémy Dushimiyimana
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